Réorientez vos priorités. Les crises peuvent être une grande chance pour ceux qui s’y sont préparés.
Note : Ceci est une traduction d’une interview de Tony Lux, parue dans le magazine anglophone Diplomacy & Commerce.
Quelle est la plus grande erreur de communication d'entreprise que vous ayez remarquée pendant la pandémie ?
Dans n’importe quel secteur du marché, il est plus important d’avoir une marque forte que des ventes à court terme. Malheureusement, de nombreuses marques ont décidé de réduire leurs prix pour booster leurs ventes. Bien sûr, on pourrait gagner plus d’argent à court terme avec une promotion. Mais à long terme, cela affaiblit la marque. Vous ne verrez jamais un rabais de 50 % sur une Rolex, tout simplement parce que Rolex est une marque puissante. Et les marques puissantes n’ont pas besoin de faire des rabais…
En période d’urgence, nous prenons souvent des décisions émotionnelles de ce genre au lieu de décisions fondées sur des données. Nous sacrifions une satisfaction sur le long terme (une marque forte) pour des avantages à court terme (des ventes immédiates). Pourtant, les données montrent combien il est efficace de s’en tenir à un seul message principal sur le long terme, quoi qu’il advienne. C’est ainsi que Montblanc est devenu si fort et si célèbre, en centrant sa communication sur son concept « d’instruments d’écriture ». C’est seulement des dizaines d’années plus tard que la marque s’est diversifiée. Les meilleures choses nécessitent toujours du temps, y compris bâtir une marque.
De nombreux économistes prédisent une énorme crise économique. Quelle politique de marketing recommandez-vous pour rester rentable en période d'incertitude ?
Réorientez vos priorités. Les crises peuvent être une grande chance pour ceux qui s’y sont préparés. Au début de la Grande Dépression, la légendaire Coco Chanel vit que son industrie était dangereusement exposée. Paul Poiret, son principal concurrent, fut contraint de fermer sa maison de couture frappée par le krach boursier et la dépression.
Qu’auriez-vous fait ? Au lieu de ralentir ses activités, Chanel créa ce qui fut peut-être sa plus audacieuse exposition : sa première et unique collection de haute joaillerie. Pour réduire les coûts, elle passa un accord avec l’Alliance Universelle des Ouvriers Diamantaires. Les pierres devant être fournies par l’Alliance, elle réduisait ses risques à (presque) zéro.
Son génie fut de comprendre les conséquences à long terme d’un tel événement sur sa marque. Être mise en vedette dans les grands magazines, les journaux, les interviews du monde entier pouvait avoir beaucoup plus de valeur que le simple fait de vendre plus d’articles ce jour-là. Son plan fonctionna. Elle bénéficia d’une énorme publicité gratuite. La presse internationale, avide de nouvelles à une époque où les lancements de produits se faisaient rares, s’en fit l’écho. Cet événement conforta l’édification de ce qui allait devenir l’héritage Chanel.
« Les mots peuvent perdre leur signification précise quand on les traduit, mais les symboles puissants sont universels ». Pensez-vous que l'informatisation, qui s'est accélérée pendant la crise, va changer les habitudes des consommateurs ainsi que la communication des marques ?
Oui et non. Bien sûr, nous avons vu récemment à quel point il est commode et avantageux de pouvoir commander en ligne des provisions, des produits de première nécessité ou même des livres et des vêtements, surtout en période de confinement.
Mais quand il s’agit de communication de marque, les acheteurs sont des êtres humains, en ligne ou hors ligne. Par conséquent, toutes les lois du marketing fondées sur la psychologie sont universelles. Enfin… tant que nous vendons à des êtres humains et non à des robots !
Une marque est une marque. Prenez n’importe quelle marque puissante aujourd’hui : Coca-Cola, Apple, Tesla… Qu’ont-elles en commun ? Ces marques ont la même identité en ligne et hors ligne.
La question majeure n’est pas l’informatisation. Elle a permis aux marques de devenir mondiales, internationales. En ligne, les frontières n’existent pas. Pour cette raison, le vrai défi de ce siècle est la question de la langue. Il s’agit de s’assurer que l’identité de votre marque peut être comprise dans de nombreuses langues, partout dans le monde. Un moyen sûr de le faire est d’utiliser des symboles visuels au lieu de mots. Les mots peuvent perdre leur signification précise quand on les traduit, mais les symboles puissants sont universels.
Comment voyez-vous l'avenir des affaires et du marketing après la pandémie ? Le monde des affaires hors ligne sera-t-il remplacé ?
Quand la télévision est apparue, les gens ont dit que la radio allait mourir. Quand les livres numériques sont apparus, les gens ont dit que l’industrie du livre allait mourir. Toutefois, les deux industries sont toujours debout.
De plus, l’informatisation ne peut pas remplacer le caractère intime des rencontres personnelles. Je crois que l’avenir du marketing appartient à ceux qui sont capables de simplifier le processus d’achat à l’aide de la technologie (en ligne) et d’améliorer la qualité de la relation client (hors ligne), parce que les liens les plus solides se tissent en face-à-face.
Si vous faites cela, vous avez le meilleur des deux mondes. La technologie ne doit pas remplacer l’humanité, mais la seconder.